La Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée en 2006 et ratifiée en 2010 par la France et le Canada, reconnait par son article 12 le droit à toute personne handicapée de jouir de la capacité juridique. Cette conférence midi a été l’occasion pour la professeure Christine Morin, de l’Université Laval, et la maîtresse de conférence Maryline Bruggeman, de l’Université Toulouse 1 Capitole, d’échanger sur l’impact de cette reconnaissance quant aux mesures de protection des personnes majeures inaptes en France et au Québec.
La France n’a pas fait disparaître son régime de protection des personnes vulnérables, mais on observe depuis 2014 plusieurs réformes allant dans le sens d’une plus grande autonomie des personnes protégées. De même, au Québec, un projet de réforme impulsé par le législateur, entré en vigueur ce 1er novembre 2022, tend à se rapprocher davantage des objectifs de la Convention. Ainsi, l’ancien régime comprenant tutelle, curatelle et conseil disparaît pour laisser la place à une seule mesure de tutelle modulée. Celle-ci permet au juge d’adapter le régime de protection en fonction des facultés de la personne protégée. Sa capacité juridique lui est tout de même retirée, ou du moins en partie, ce qui ne contrevient pas aux obligations du Québec et du Canada considérant la réserve émise quant à l’article 12 de la Convention. Cette réforme prévoit également deux nouvelles mesures : la représentation temporaire et l’assistance non judiciarisée, toujours dans l’objectif de parvenir à un équilibre entre protection et autonomie de la personne.
La réforme québécoise entraîne nécessairement un investissement plus important de la part des médecins et des travailleurs sociaux pour adapter la réponse judiciaire aux réalités de la personne protégée. Le lien entre ces intervenants doit être fait au moyen d’évaluations psychosociales et médicales transmises au tribunal, devant se positionner sur plusieurs points dont notamment la question du droit de vote, de la garde ou encore des achats pour les besoins ordinaires et usuels. En France, depuis 2016, tous les régimes judiciaires sont soumis au contrôle du juge des tutelles qui est saisi sur la foi d’un certificat médical justifié par l’altération des facultés mentales ou corporelles de la personne. Le juge dispose de plusieurs mesures restreignant la capacité juridique de la personne de manière proportionnelle à l’atteinte de ses facultés, partant de la sauvegarde de justice, jusqu’à la tutelle en passant par la curatelle.
La dynamique s’inverse lorsque l’on s’intéresse au mandat de protection (future). La France, pourtant inspirée du Québec, en a fait une mesure conventionnelle ne venant pas atteindre la capacité de la personne protégée. Au contraire, au Québec, le mandat de protection doit être homologué par un tribunal et la nouvelle réforme entrée en vigueur le 1er novembre 2022 clarifie le fait qu’il entame la capacité juridique de la personne protégée.
Si certains pays en sont venus à supprimer toutes leurs mesures incapacitantes, ce n’est pas encore le cas de la France et du Québec. Toutefois, ces échanges témoignent de l’avancée des deux systèmes juridiques, sous l’influence de la Convention de l’ONU précitée, vers un plus grand respect de l’autonomie des personnes protégées en limitant le plus possible l’atteinte portée à leur capacité juridique. Bien que certaines situations requièrent réellement la mise en place d’une mesure de protection, déclarer une personne incapable reste lourd de sens.
Pour en savoir plus sur la tutelle au majeur : https://www.quebec.ca/justice-et-etat-civil/protection-legale/tutelle-au-majeur
Pour en savoir plus sur la représentation temporaire : https://www.quebec.ca/justice-et-etat-civil/protection-legale/representation-temporaire
Pour en savoir plus sur la mesure d’assistance : https://www.quebec.ca/justice-et-etat-civil/protection-legale/mesure-assistance
Pour en savoir plus sur le mandat de protection : https://www.quebec.ca/justice-et-etat-civil/protection-legale/mandat-de-protection
Pour consulter les travaux parlementaires ayant menés à la loi 11 : https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-18-42-1.html
Pour consulter les grands axes de la nouvelle réforme : https://curateur.gouv.qc.ca/cura/pdf/proj_loi/loi_en_un_coup_doeil.pdf
Pour en savoir plus sur les réformes en France : http://www.justice.gouv.fr/justice-civile-11861/de-nouvelles-regles-pour-les-majeurs-proteges-33611.html
Anouk Paillet et Valérine Pinel